Menteuse
L'une de mes élèves est vraiment très spéciale, perturbée, mais comme je ne suis pas psy je ne peux guère la décrire en terme technique.
Voici un incident :
Durant mon cours, qu'elle suit, elle dessine, en même temps. Il ne s'agit pas de simplement dessiner, elle veut que je la remarque, fait des mines, plisse les yeux, prend sa feuille et la regarde sous différents angles, se chuchote à elle-même de petits conseils...
Or, cette élève, que je connais bien (depuis trois ans), peut mettre un désordre terrible dans la classe. Parler avec elle, c'est perdre dix minutes, elle me prendra au piège d'un véritable dialogue de théâtre, insolent, spectaculaire, je sais qu'il vaut mieux lui laisser une marge de maneuvre. Je ne suis pas là pour lui clouer le bec, à elle, mais pour apprendre des trucs à 27 gamins.
Donc, je la laisse faire. Résultat : elle accentue son comportement.
La sonnerie de fin d'heure retentit, mais je les ai deux heures; ils sortent pour cinq minutes; je demande à la jeune fille de cesser de dessiner; elle ne dessine pas, me dit-elle; je lui montre la feuille, et elle affiche les signes d'une surprise excessive et outragée : Quoi? cette feuille-là? Et c'est à cause de ça que je m'imagine qu'elle dessine? Elle a fait ce dessin, oui, mais en français. D'ailleurs, elle a noté tout mon cours, elle peut me le montrer.
- je sais, lui dis-jen je t'ai vue. Tu as pris ton le cours, mais tu as dessiné en même temps.
Elle se lève, manifestant un bouleversement théâtral, et prend d'autres élèves à témoins :
- Dites-lui, mais dites-lui que j'ai dessiné en frnaçais et pas avec elle.
Les autres confirment.
Oui, dis-je, j'en conviens, elle a dessiné en français, mais aussi en histoire. Elle est au premier rang, sous mes yeux, je l'ai vue.
- Non, madame, me dit un élève. Elle l'a dessiné en français. Je vous assure.
Tout le monde s'est approché autour du bureau. La jeune fille explique la situation au nouveaux venus.
- Elle dit que j'ai dessiné en cours, alorsque j'ai dessiné en français. Elle se trompe, c'est parce qu'elle a vu mon dessin, mais je l'ai fait en français. (accentuant les effets dramatiques) J'en ai marre. On me dit qu'il faut queje fasse des efforts, j'en fait, et ça ne va pas, ça me retombe toujours dessus.
Elle s'assied, la tête posée sur ses bras, désespéré. Les élèves vont s'asseoir, en me regardant (ici, ils sont gentils) : madame.... c'était en français.... pas avec vous.
Je reste imperturbable, très fière de moi, car il y a deux ans j'aurais piqué une crise et on aurait perdu dut emps. Tout ce ci ne dure que deux à trois minutes. Je reprends le cours, isolant ma rage et ma colère dans un petit coin de moi pour savoir ce que je vais en faire.
Des mouvements ont lieu durant mon cours, regards, airs entendus, petits gestes : je les ai perdu, l'incident a déconcentré la classe. Hmmgrfffhh. Ma colère s'agite.
Quinze minutes avant la fin de la deuxième heure, je donne un travail à effectuer, prévu, et, très calme, je demande à la déléguée d'accompagner l'élève en question à l'administration. Mouvements; questions :
- Quoi? Qui? Pourquoi? Qu'est-ce qu'elle a fait?
Moi : L'attitude de X ne me paraît pas propice à maintenir une véritable ambiance de travail au sein de la classe, elle va donc travailler à l'extérieur.
La jeune fille, larmes aux yeux, prend son matériel et suit sa camarade comme une condamnée à mort.
Du coup, l'effet recherché est obtenu : l'agitatrice, dont aucun ne doute de la mauvaise foi, a reçu la juste punition, et tous se mettent au travail avec bonne volonté. Je les ai retrouvé.
Ils travaillent, je passe dans les rangs, qui restent calmes, je donne des conseils, tout va bien. je suis même très satisfaite de ce que je lis en passant entre les tables.
Sonnerie de fin d'heure, midi.
Retour de la jeune fille, en larmes : le directeur l'a vue et veut que je rédige un rapport, elle sera peut-être exclue du collège. Les regards se tournent vers moi, pas une parole n'est prononcé, mais ils veulent dire : tout de même, madame!
car ils savent tous ou presque qu'elle ment, ma colère est justifiée, ma punition convenable, mais l'exclusion!!!
Enervée je remballe mes affaires, suivie par deux ou trois élèves qui ont des questions à me poser, qu'ils me posent par ailleurs tous ensemble, m'obligeant comme à chaque fois à leur demander s'ils croient que je peux comprendre trois questions posées en même temps sur trois sujets différents. Ils s'arrêtent tous de parler, car ils ne s'étaient pas rendus compte que d'autres me parlaient en même temps. Ils sont tous tellement le centre de leur monde qu'ils ne s'entendent même pas, au sens propre. Ils ne voient pas l'autre élève me parler, parce qu'eux seuls comptent pour eux.
Bref, je règle le problème avec l'administration, je sais faire, gérer mon direceur est pénible mais moins qu'une classe, et je retourne voir mon élève à qui j'explique qu'elle ne sera pas renvoyée mais que je ferai un autre rapport plus tard s'il le faut (menace qui plane pour maintenir suspens).
S'il vous plait vos commentaires! Soyez critiques, dites moi ce que vous auriez fait, etc.